mercredi 5 mai 2010

Garde aux urgences chir

Urgence Bar at Odeon Neighborhood, João Pedro Perassolo

Hier soir, je renfilais la blouse le temps d'une petite garde, histoire de ne pas oublier "comment ça fait". J'avais même pris mon stétho, alors que j'étais affecté aux urgences chirurgicales. Je n'ai même pas eu l'occasion de l'utiliser (certes j'aurais pu jouer à me dire des secrets en le mettant dans les oreilles et en parlant à la membrane tandis que j'attendais désespérément que le patient que je surveillais passe au scanner, mais à l'hôpital il y a toujours du monde, et on aurait pu se rire de moi. Parce qu'ils sont comme ça, à l'hôpital).

Vous comprenez à travers ces quelques lignes que cette garde était infiniment chiante.




Pourtant, on aurait pu s'attendre à ce qu'il y ait du monde, dans la mesure où il y avait le match de Hockey France-USA à la patinoire de PetiteVille, retransmis sur écran géant au centre-ville. Et tout le monde sait qu'à PetiteVille, toute occasion est bonne pour se la coller avec un pack de 24 de Kro (bien sûr quand on a fini sa canette, on la balance en arrière, advienne que pourra). Les soirées "mondaines", si j'ose dire, sont donc toujours pourvoyeuses d'alcooliques (aigus ou chroniques d'ailleurs) et bobotisés (si ça existe j'ai regardé dans le dictionnaire) en tout genre aux urgences. On aurait pu s'attendre aussi à ce qu'un hockeyeur soit amené pour cause de blessure de guerre (ça aurait d'ailleurs plutôt été un Français, vu que les Américains sont un peu plus virils au hockey que nous autres Gaulois). Et bien non, les Américains ont été tout doux, ils nous ont même laissé marquer un petit but au 1er tiers temps, histoire qu'on puisse raconter "on a failli...".


Et bien que nenni ! Pas de baba-au-rhum, pas d'estropié, et surtout, pas de hockeyeur. Vous imaginez donc bien la soirée de m****.

Comme d'habitude, le début de garde n'est pas facile. Tout le monde se fout de l'externe, donc quand t'arrives, c'est à peine si on le remarque. Et personne ne te dit ce qu'il y a en cours, quelles salles sont libres, quels patients sont à voir... démerde-toi, mais fais-le bien.

Finalement, la-petite-boîte-accrochée-au-mur-qui-te-parle a fini par avoir pitié de moi, et dans un élan de solidarité sa voix a retenti dans tout le service pour me confier une tâche : "un externe de chir pour amener un patient au scanner". Telle était ma destinée.

Le patient en question était un petit vieux, qui paraissait plutôt mal en point. Bien sûr, personne n'a pris le temps de m'en parler, donc je ne savais absolument pas ce qui lui arrivait. Sur le bon de radio, tout ce que je pouvais savoir était qu'ils suspectaient un AVC. Direction donc le scanner cérébral.

J'ai déjà dû l'expliquer, mais tous les patient qui vont passer un examen d'imagerie ne sont pas forcément accompagnés d'un externe, juste ceux qui sont scopés, c'est à dire qui sont reliés à la fameuse machine qui surveille l'activité électrique du coeur, la tension, la saturation, la fréquence cardiaque etc. Ce patient en l'occurrence était un peu stressant, sa ventilation était un peu bizarre et il désaturait un peu quelques fois, et sa vigilance n'était pas top.

Ceci dit, le scanner s'est bien passé et finalement, il n'y avait pas de signes d'AVC. A peine revenu, le temps de discuter avec une collègue externe de D4 (6ème année), puisqu'il n'y avait pas de patient à voir, la-petite-boîte-accrochée-au-mur-qui-te-parle a m'a rappelé pour amener une deuxième fois le même patient en radio (pardonne-moi petite boîte, aurais-je failli à ma 1ère mission ?). En fait, ils suspectaient maintenant une ostéite du fémur chez ce bonhomme qui se l'était justement cassé le mois dernier et qui avait donc été opéré. A peine arrivé dans la salle d'attente de radio, le scope tombe en panne de batterie. Fuck fuck fuck ! Heureusement un infirmier de pédiatrie était là avec une patiente, et a pu aller me changer la machine aux urgences, histoire que je n'abandonne pas le vieux monsieur qui était quand même sous ma surveillance (ouh attention c'est le début des responsabilités ça !).

Malheureusement, le boitier qu'il m'a ramené, bien que quasiment identique, n'avais pas les même prises que l'autre et donc tous les câbles reliés au patient n'étaient pas adaptables sur celui-là. Et comme c'était à mon patient de passer la radio, plus le temps de faire le changement. J'étais donc quelque peu stressé de me retrouver seul avec une manip radio pour surveiller un patient en mauvais état sans aucun appareil. Vive la clinique ! (par clinique je n'entends pas "organisme de soins privé" mais bien "surveillance clinique", c'est à dire avec comme seul outil mes mains et ma tête)

Après l'avoir ramené dans son box aux urgences, tout ce que je sais c'est qu'il a été hospitalisé en médecine interne puisque les internes ne trouvaient pas ce qu'il avait.


Plus tard dans la soirée, il y avait ce patient, agent de sécurité dans un petit magasin d'une bourgade du coin, qui s'était fait agressé par un voleur qu'il tentait d'appréhender. Bon il avait "juste" pris une bonne droite dans la mâchoire, mais il avait quand même mal. Cliniquement pas de fracture de la mandibule (eh je suis quand passé en CMF je sais de quoi je parle !), mais direction la radio quand même pour être sûr. Par contre, son ego en avait pris un sacré coup. Et quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvris que son agresseur était le mec un peu bizarre qui déambulait dans le couloir en chaussettes. La porte du box étant entrouverte, il a commencé à chauffer mon patient, qui est parti au quart de tour et qui n'était pas loin d'aller prendre sa revanche. On ferme la porte, on parle au patient en lui disant qu'il est plus intelligent que l'autre et qu'il ne faut pas qu'il fasse de bêtise parce que ça ne fera que lui apporter des ennuis. Je vous passe le déroulement exact de l'agression, mais il faut quand même savoir que l'agresseur lorsqu'il est venu au magasin avait déjà frappé son père juste avant de s'en prendre au vigile. Vraiment pas net le mec.

Et voilà qu'il déambule dans le couloir, en toisant tous ceux qu'il croise et en les défiant du regard. Voilà qu'une des infirmières d'accueil signale qu'il a volé des bandages dans la réserve. Voilà qu'il commence à s'énerver en attendant le résultat de sa prise de sang, parce qu'il va rater le dernier train qui lui permettra de rentrer chez lui ce soir, et qu'on le fait chier et que de toute façon il retient des têtes et que s'il nous revoit dans la rue il s'occupera de nous. Voilà qu'il fait mine de casser l'écran d'ordinateur dans le couloir. Tiens, l'appareil à échographie maintenant. Mais au fait, pourquoi personne n'appelle la sécurité ?

C'est à ce moment que nous somme allés manger. Il n'était (heureusement ?) plus là à notre retour.

Après, se sont enchaînés des petits bobos, de la petite traumato, rien de bien grave. J'aurais pu apprendre à faire un plâtre sur une fracture de la malléole externe (le petite boule de la cheville côté externe), si mon collègue de D3 (5ème année) ne s'était pas pointé pour apprendre aussi et n'avait pas eu le bénéfice de l'ancienneté aux yeux de l'interne (nan pis c'est pas grave si c'est moi qui ait pris en charge la patiente à son arrivée et qui attend depuis 1/4 d'heure que l'interne arrive pour faire ce foutu plâtre). Au lieu de ça, j'ai appris à tenir le pied pendant que mon collègue faisait le plâtre. No comment.

J'ai quand même appris à faire une syndactylie (ça en jette comme ça hein ?). En fait, c'est l'attelle en Z que l'on met pour une fracture de doigt (en l'occurrence le 5ème ici, ou l'auriculaire). Rien de bien compliqué en soi.

C'était donc une garde plutôt ennuyeuse, avec des internes ni vraiment sympa, ni vraiment méchants. La soirée était calme (la plus calme de ma courte expérience des gardes aux urgences), et les patients assez peu intéressants (sur un plan strictement médical bien sûr, j'ai quand même beaucoup parlé avec le vigile, avec la dame à la cheville cassée, avec la dame au petit doigt cassé et son mari).

Finalement, l'heure de partir sonna pour moi. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'aux urgences de cet hôpital, il y a 2 externes de D2 en médecine, et 2 de D2 en chirurgie, plus un externe "volant" de D3, qui est sensé aider là où il y a du boulot (mais qui en pratique reste plus en chir puisqu'il y a moins de boulot). Parmi les 2 D2 qu'il y a de chaque côté, il y en a un qui fait 17h-minuit (comme moi hier), et un qui fait 18h30-8h (qui fait donc la nuit). Tout ça est noté "SAU (pour Service d'Accueil des Urgences) Chir/Med 1 ou 2 (le 1 faisant la nuit complète et le 2 partant à minuit). J'étais donc en "2" hier soir. Sauf que, la D2 devant être avec moi avait échangé avec une D4, qui elle pensait que c'était l'inverse pour le "1" et "2". Elle pensait donc qu'elle finissait à minuit. Le soucis était qu'elle passe l'ECN (le grand concours national qu'on passe tous et qui déterminer notre spécialité et notre ville) dans 1 mois, autrement dit elle est en période de révision intensive, et que ça l'arrangeait pas vraiment de rester toute la nuit à l'hôpital puisque le lendemain de garde en général on n'est pas frais.

L'interne lui avait donc dit à table qu'elle pourrait partir à minuit, ce qui était cool de sa part. Et voilà qu'au moment de partir, le D3 volant était déjà parti, et l'interne me fait "qui est-ce qui reste avec moi alors ?" "ben en théorie c'est la D4" "mais il en faut un qui reste avec moi cette nuit !". Alors j'imagine qu'il s'attendait à ce que dans un élan de bonté je lui dise "ah ben tant pis je vais rester !", mais non, je ne serai pas la bonne poire cette fois-ci. Désolé mais ce n'est pas mon problème !

"Bon ben, tu peux y aller".

5 commentaires:

Snae a dit…

J'aime beaucoup ton texte, c'est un peu plus rythmée que d'habitude, c'est sympa :)

nocfish a dit…

t'as raison, ne te laisse pas marcher sur les pieds.

Anonyme a dit…

Chouette récit bien que je me sois un peu mêlé les pinceaux avec tes d1 et d3

youyou a dit…

depuis quand une syndactylie c'est une attelle en Z !!!!
la syndactilie c'est attaché les deux doigts ensemble
lz Z c'est l'atelle de zimmer en general en position intrinseque

L'Apprenti Docteur a dit…

@Youyou

J'ai mal expliqué ce qu'on avait fait, on a bien fait une syndactylie en attachant le 5ème au 4ème.
Après c'est moi qui ait utilisé le terme 'attelle en Z' et il est probablement impropre. On a mis cette espèce d'attelle qui maintient la main en hyperextension et les deux doigts légèrement fléchis. Ce qui finalement donne un petit aspect en Z, d'où le fait que j'ai dit arbitrairement que c'était une attelle en Z...

Et en vrai ça s'appelle comment alors ?

Merci d'avoir relevé l'erreur !

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